En vérité qui est Marie à qui des générations de pèlerins sont venus demander secours ou qu’ils ont remerciée, que tant de gens humbles et désespérés ont invoquée dans leur détresse ?
Qui est Marie qu’une certaine piété mal éclairée a placée sur un piédestal, effaçant du même coup son extrême humanité ? Que nous dit la Bible à son sujet qui pourrait éclairer notre vie quotidienne, et faire de cette femme un Maître de vie ?
Les Évangiles et les Actes des Apôtres permettent de reconstituer succinctement l’histoire de Marie. Obscure jeune fille galiléenne habitant le petit village de Nazareth, Marie est fiancée à Joseph, un charpentier, quand l’ange Gabriel vient lui annoncer qu’elle concevra un fils par l’Esprit Saint.
Marie accepte humblement cette situation extraordinaire, Joseph aussi quelques temps plus tard, et Jésus vient au monde à Bethléem. Marie sait qui est son fils, aussi l’encourage-t-elle à effectuer son premier miracle, à Cana, mais après cela Marie n’apparaît que rarement.
Pourtant elle est au pied de la Croix avec les autres femmes, et si elle ne fait pas partie de celles qui se rendent au tombeau le matin de Pâque, elle continue de voir les disciples après la résurrection de Jésus.
Voilà ce que nous disent substantiellement les textes au sujet de la vie de Marie, que l’Église a solennellement nommée Théotokos, mère de Dieu, lors du concile d’Éphèse en 431.
Si très vite la piété populaire s’est emparée de l’image de Marie, perçue le plus souvent dans son aspect protecteur et maternel, mais aussi comme la plus puissante ambassadrice auprès de Dieu, ne peut-on pour autant rien dire de la personnalité de la plus grande dame de la Bible ?
À y regarder de plus près, les Évangiles nous donnent quelques indices qui peuvent nous révéler un portrait de Marie ni mièvre, ni doucereux.
Dès l’Annonciation, l’attitude de Marie est différente de celle de son cousin Zacharie, à qui l’ange a annoncé aussi la naissance de Jean Baptiste, et qui a douté et demandé un signe. Marie accueille avec foi et simplicité la parole de Gabriel, et sur cette même parole elle court rendre visite à sa vieille cousine, Élisabeth, qui est enceinte. Dans sa joie, après la salutation de celle-ci qui l’appelle bienheureuse parce qu’elle a cru à ce qui lui a été dit de la part du Seigneur, Marie exulte d’allégresse. Elle reprend un vieux cantique biblique, celui d’Anne, la mère de Samuel, que l’on a appelé le Magnificat, mais y ajoute quelques lignes qui en disent long sur son caractère : Et les riches, il [Dieu] les renvoie les mains vides.
Puis la présence de Marie devient discrète dans les textes, mais Luc n’omet pourtant pas d’ajouter cette phrase sibylline : sa mère gardait tout cela dans son cœur, comme si la foi de Marie était une foi patiente, mais non passive, puisqu’elle a réfléchi, médité, cherché à comprendre, mais sans forcer le mystère, attendant plutôt que celui-ci lui soit révélé.
Et le 15 août, la fête de l’Assomption révèle Marie comme la première créature à entrer pleinement dans la gloire de Dieu, à ressusciter corps et âme.
Alors est-il possible de concilier l’image de Marie qui nous est accessible par les textes et celles que la piété populaire laisse transparaître de manière si diverse et depuis si longtemps ?
Oui, tout simplement parce que Marie n’est pas Dieu, parce qu’elle est une créature humaine, comme chacun d’entre nous, et qu’ainsi chacun peut trouver en elle ce qu’il cherche : consolation, aide ou espérance. Pourtant, même si Marie n’est pas une femme surhumaine, ou inhumaine à force de perfection, il demeure qu’elle seule sut accepter pleinement et profondément en elle la parole de Dieu : en cela, elle est et restera pour les chrétiens le modèle même de la foi et de la confiance.